Laurent Fourier

CEO Assistance Service chez International SOS

Auditeur de la Session Annuelle 3

 

Le parcours de Laurent Fourier est résolument tourné vers l’international. Diplômé de Sciences Po en finances et Marketing (1987), il commence sa carrière en tant que responsable des ventes pour une filiale du groupe Louis Dreyfus Company et représentant de l’entreprise en Chine pour les provinces du Sichuan et de Hubei. En 1989, il rejoint le monde de l’Hospitalité en tant que General Manager au sein du groupe Accor. En 1992, il rejoint le groupe Edenred, successivement en charge du développement international et des affaires publiques, directeur général de la filiale Indienne à Mumbai et du marché britannique à Londres. Il rejoint le groupe International SOS en 2006, en tant que Directeur France et Suisse, puis Responsable régional pour l’Europe Continentale, le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Au cours de ses différentes fonctions au sein d’International SOS, Laurent Fourier a pris en charge le développement des fonctions marketing et ventes du groupe, avant de devenir CEO de la branche Assistance Services.


International SOS est le leader mondial de la gestion des risques en santé et en sécurité, œuvrant pour le compte d’entreprises de taille mondiale, pour les gouvernements, les ONG ou encore les grands campus internationaux. Avec 12 000 collaborateurs, dont 5200 professionnels de santé et parmi eux 1400 médecins, International SOS intervient en prévention des crises, conseille les entreprises et intervient en cas de crise majeure à travers le monde.

IHEE : Pouvez-vous vous présenter ? Et quelle anecdote de l'IHEE gardez-vous en tête ?

Laurent Fourier : Laurent Fourier, International SOS, CEO Assistance Services.

J’ai participé en 2002/2003 au programme de la 3e promotion de la Session Annuelle de l’IHEE. L’anecdote la plus marquante fut le démarrage un peu glacial lors de notre première réunion, chacun se regardant en chien de faïence, et la dernière session ou nous pleurions tous a l’idée de nous séparer !


Pouvez-vous nous en dire plus sur votre rôle chez International SOS ? Et sur les enjeux de votre secteur ?

La mission d’International SOS est d’accompagner les entreprises, les organisations gouvernementales, les ONG, les grands campus universitaires, dans la gestion de leurs risques en santé et en sécurité à travers le monde. Pour cela nous développons une veille 24/7 dans près de 230 régions et pays dans le monde, sur la situation sanitaire, sécuritaire, politique, climatique … pour conseiller et porter assistance aux personnes qui évolueraient dans ces régions.

Mon rôle plus particulièrement est d’organiser toute l’activité d’assistance d’International SOS. Si on se réfère à notre slogan, notre quotidien consiste à protéger et sauver des vies. Ceci n’a jamais été aussi vrai que cette année.


La crise sanitaire a-t-elle soulevé de nouveaux défis et comment cela se traduit-il aujourd'hui dans votre métier ?

La crise de la Covid-19 a révélé au sein d’International SOS le meilleur de chacun d’entre nous. J’en veux pour exemple les dernières évacuations sanitaires pour lesquelles nous avons prêté un appui logistique et médical aux opérations pilotées par la cellule de crise du ministère des Solidarités et de la Santé, en collaboration avec les autorités sanitaires, et les personnels médicaux du SAMU. Depuis le 23 août nous avons mis en place sous leur égide différents modèles d’évacuations sanitaires entre les Outre-Mer et l’Hexagone, qui nous ont permis de repousser les limites de ces évacuations avec d’abord 4, puis 6, 8 et jusqu’à 12 patients en réanimation évacués depuis la Guadeloupe, la Martinique ou encore la Guyane sur des vols long-courriers. Modèle efficace et éprouvé qui a permis d’évacuer au total 125 patients vers l’Hexagone, nécessitant des soins très lourds avec le concours des SAMU locaux, des ARS, et d’Air Caraïbes. Modèle dont les limites ont encore été repoussées, puisque nous avons procédé en support des services sanitaires de l’Etat à la première évacuation sanitaire d’ampleur sur une aussi longue distance : entre la Polynésie française et l’Hexagone avec 8 patients à bord d’un Airbus A350. Un record.

D’autre part, la crise de la Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur et de démultiplicateur sans commune mesure pour notre secteur en remettant la Santé au centre de toutes les équations et ce pour de longues années à venir. La Covid-19 est à la santé, ce que le 11 septembre est à la sécurité. Cette pandémie marque un nouveau paradigme où la santé est un nouveau risque à pondérer pour les entreprises, à prendre en compte pour l’ensemble des salariés (sédentaires comme ceux qui voyagent pour expatriation, affaires, ou mission). Les entreprises l’ont bien compris au regard des difficultés rencontrées durant la crise pour assurer la continuité d’activité. Elles prennent progressivement conscience aujourd’hui de l’importance de mettre en place des plans santé à l’attention de leurs collaborateurs pour s’inscrire dans une logique de prévention des risques associés au risque santé. Nous les accompagnons dans cette démarche pour identifier les risques santé qui leur sont propres pour mettre en place des programmes adaptés.
 
Cette crise a par ailleurs accéléré l’innovation technologique : en 6 mois, nous avons délivré autant d’innovation qu’en 3 ans, à l’image du travail réalisé avec AOKpass, première solution digitale qui a préfiguré la mise en place à grande échelle de passes sanitaires, testée avec des compagnies aériennes du monde entier. Conscients que la reprise des voyages internationaux passerait par l’harmonisation des procédures d’entrée sur le territoire, AOK pass a permis à tous les acteurs du transport de tester grandeur nature les avantages d’un QR Code sécurisé attestant d’un test de dépistage Covid, d’une vaccination, etc.

De même, cette crise a accéléré l’acceptation sociale de nouveaux outils numériques. Je pense notamment à la téléconsultation. Durant la gestion de la récente vague épidémique en Inde, celle-ci s’est avérée décisive pour l’ensemble des collaborateurs des grands campus technologiques que nous accompagnons dans leurs programmes santé (je pense à Cap Gemini, aux GAFA, etc.). Habituellement nous avons des cliniques sur ces grands campus. Nous les avons converties en cliniques virtuelles, ce qui a permis de désengorger les centres, tout en assurant une prise en charge normale et qualitative des employés. 


Quel est votre regard sur les évolutions à venir en matière de santé et bien-être au travail ? En quoi ces évolutions vont-elles impacter l’entreprise de manière générale ?

La crise a mis en évidence la centralité de la santé de tous les collaborateurs, sédentaires ou en déplacement, au regard des enjeux de continuité d’activité. Mais elle est aussi un facteur d’attractivité et de fidélisation des talents, un levier particulièrement identifié dans les entreprises américaines. 

Aujourd’hui nous constatons que la fonction RH a pris conscience de la centralité de la santé des collaborateurs pour l’entreprise, mais ne sait pas toujours comment la gérer. Grâce à notre expertise en santé et en gestion des risques, nous accompagnons aujourd’hui les entreprises dans la mise en place de programme santé et de bien-être pour leurs collaborateurs. 

Notre rôle est d’enrichir la réflexion des DRH ou gestionnaires RH pour les aider à anticiper les risques et à mettre la santé au cœur de la politique RH et sociale de leurs entreprises.

 

Ces évolutions rendent-elles nécessaires selon vous l’acquisition de nouvelles compétences en entreprise dont l’IHEE devrait se saisir ?

On le voit aujourd’hui à travers la crise et son impact aussi soudain que mondial. Sa gestion fait appel à de multiples compétences permettant d’appréhender l’ensemble de ses facettes : sanitaire, économique, morale, éthique, mais aussi informationnelle. Pour les managers travaillant à distance, jamais l’intelligence émotionnelle, l’écoute, l’empathie mais aussi la capacité d’adaptation rapide au changement et le sens de la décision n’ont été aussi importants. Cette crise nous a démontré une nouvelle fois comment nous nous révélons et nous nous réalisons dans l’action.

 

Est-ce que l’IHEE vous a ouvert sur quelque chose de nouveau, dans votre vie professionnelle ou personnelle ?  

Je garde un très bon souvenir de ce programme suivi à l’IHEE, marqué par le sceau de l’éclectisme, et d’une dynamique de groupe particulièrement stimulante. Rassembler les forces vives de la société civile avec le monde de l’entreprise est désormais un modèle reconnu au plus haut niveau. Elle donne toutes les clés de lecture et d’innovation au niveau organisationnel et managérial en intégrant le meilleur des deux mondes. Son inscription dans un cadre résolument international et l’approche de terrain sont des composantes essentielles dans le renouvellement de nos approches pour chacun de nos secteurs. La force du réseau est par ailleurs un atout qui dure à travers le temps et les promotions.


Avez-vous une source d'inspiration à partager ? Et pourquoi ?

Cette longue crise a révélé le meilleur de nous-mêmes parmi mes collègues sur le terrain, avec des comportements admirables. Je pense à nos médecins et infirmiers intervenant sur nos 900 projets dans le monde, parfois privés de rotations sur des très longues périodes en raison des restrictions de déplacements. 

Je suis un grand amateur de courses d’endurance et j’ai vécu cette crise comme un marathon ! Tout se joue sur le mental et les restrictions de voyages m’ont permis de trouver un nouvel équilibre avec une attention renouvelée sur le sommeil ou l’alimentation, chose plus compliquée lorsque vous êtes souvent entre deux avions… Et bien évidemment en faisant plus de sport – une vraie thérapie pour lutter contre le stress et la sinistrose.