Jean-Marie Bertho

Secrétaire Général de la fédération métallurgie de la CFE-CGC

Auditeur de la Session Annuelle 16

 

Un engagement au service de l'industrie et de ses salariés

Réunir les conditions pour que les parties prenantes de l’entreprises acceptent d’échanger de bonne foi, de travailler ensemble dans l’intérêt bien compris de chacun est en soi déjà un vrai travail. C’est l’exemple que donne l’IHEE.

Qui es-tu ?

Je suis un Gadz’Arts de 54 ans et je viens du Morbihan, du côté rural, où j’ai mes attaches. Mon épouse et moi-même sommes les parents de deux étudiants ingénieurs. Je suis aussi un cycliste invétéré, même si mes années de compétitions les plus fastes s’éloignent fatalement et que ma pointe au sprint s’émousse…

J’habite Rennes depuis une vingtaine d’années, et je suis salarié du constructeur automobile local. J’ai rempli des mandats successifs au bureau de la fédération de la métallurgie CFE-CGC. Ils m’ont conduit à beaucoup voyager sur le territoire national pour rencontrer des adhérents de notre organisation, des militants mais aussi des responsables RH, des représentants d’organisations d’employeurs.
Début juin, il y a quelques jours, j’ai été élu Secrétaire Général de cette Fédération qui regroupe 38 syndicats pour un total de 35 000 adhérents techniciens, agents de maîtrise et cadres de la métallurgie.

 

Quel est ton parcours ?

J’ai eu une scolarité heureuse qui a débuté dans l’enseignement technique et s’est poursuivie par l’Ecole Nationale d’Arts et métiers.
J’ai exercé presque l’intégralité de ma carrière dans la construction automobile dans les métiers de la carrosserie. Une dizaine d’années en région parisienne puis à Rennes, de la production à la conception des véhicules. Presque, car j’ai fait une infidélité de quelques années à l’automobile pour la filière viande, à la tête d’un service technique d’une charcuterie industrielle.

À part un oncle ouvrier chez Citroën dans la lointaine ville de Rennes, rien dans mon environnement ne me prédestinait à une carrière dans l’industrie. Encore moins à un engagement dans le syndicalisme. J’y ai été attiré à la faveur, si l’on peut dire, de la réintégration très mal organisée d’une filiale du constructeur automobile où je me trouvais, vers la maison-mère. J’ai alors pris parti pour les intérêts des techniciens et ingénieurs qui travaillaient avec moi.

De fil en aiguille, mon appétence pour les sujets de défense de mes pairs s’est révélée. J’ai enchainé les mandats (en entreprise, aux prud’hommes, dans les structures interprofessionnelles régionales) et contribué aux bons résultats électoraux de mon organisation. Malgré un emploi du temps pour l’essentiel consacré actuellement à mon mandat fédéral, je détiens toujours plusieurs mandats dans mon entreprise, qui me garantissent d’avoir toujours les pieds bien dans sa réalité.

 

Pourquoi cet engagement dans le syndicalisme ?

J’ai débuté ma carrière sur un poste d’ingénieur sécurité à l’usine d’emboutissage Citroën de Saint Ouen. J’étais chargé de mettre en œuvre un programme d’investissement dans la lutte contre le bruit des presses dans les ateliers. Chaque matin, je faisais le tour de ces ateliers et je serrais la main des opérateurs, pour certains assez âgés. Ces poignées de mains sorties des gros gants de cuir, à qui il manquait beaucoup de phalanges, voire des doigts entiers, me remplissent encore aujourd’hui d’un souvenir glaçant.

J’ignore si ma vocation trouve ses origines dans ces poignées de mains transpirantes aux aurores, mais j’ai le souvenir d’une grande considération réciproque pour chacun dans l’usine d’alors. Elle s’exprimait par le regard dans le bruit des coups de presses.

La mémoire est sélective, elle embellit le souvenir à coup sûr. Mais je fais le constat d’une dérive subreptice du management des entreprises que je côtoie, qui réifie chacun dans l’organisation à la faveur de son management par les coûts. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui les jeunes ingénieurs n’ont plus le temps d’aller serrer la main des opérateurs sur leurs machines. D’ailleurs, ceux-ci n’ont plus l’autorisation de retirer leurs gants.

 

Quel Impact la Session Annuelle de l’IHEE a-t-elle eu pour toi ?

La Session Annuelle de l’IHEE, par sa manière de mettre en situation des promotions judicieusement constituées, permet de nouer rapidement des liens. Futurs dirigeants, entrepreneurs, magistrats, militaires, enseignants, journalistes … nous avions à peu près le même âge et avons, outre le partage de bons moments qu’il faut souligner, fait le constat très souvent de visions partagées sur le monde de l’entreprise.

J’en ai retiré l’enseignement que réunir les conditions pour que les parties prenantes de l’entreprises acceptent d’échanger de bonne foi, de travailler ensemble dans l’intérêt bien compris de chacun est en soi déjà un vrai travail.

 

As-tu une anecdote à nous raconter sur cette session ?

Pas vraiment une anecdote, plutôt le souvenir de ces étudiants rencontrés à l’université de Madras en Inde.

La promotion 16 a été bercée par les start-ups et leurs levées de fonds, les fab-labs et leurs organisations alternatives, Uber et le modèle d’entreprise de la Silicon Valley.

À Madras (aussi appelé Chennai), nous avons rencontré des « gamines » et des « gamins » qui de façon très simple et très directe nous ont démontré leur goût pour la technologie, leur soif d’apprendre et leur grand sens du collectif. Ils nous ont proposé un autre éclairage, pour moi plus élémentaire, sur ce qui fonde l’entreprise.

 

Quel intérêt trouves-tu à être adhérent de IHEE Connect ?

Aux rencontres de l’IHEE Connect comme lors de l’année passée à la session, c’est « venez comme vous êtes !». J’aime ce mélange d’exigence dans les contenus et de bienveillance dans les relations entre profils que pas grand-chose prédestinait à se rencontrer. Être adhérent de IHEE Connect et surtout prendre part aux rencontres, c’est retrouver cet esprit à échéance régulière. Ça me fait du bien !

 

 

 

 

 

Interview réalisée par Eric Fouache, Professeur de Géographie Physique et Géoarchéologie à Sorbonne Université, membre Senior de l’IUF, auditeur de la Session Annuelle 2 et Membre du bureau IHEE Connect.