William Emmanuel

Consultant en stratégie et en finance chez WE Consulting

Fondateur et Directeur de la publication de Bastille Magazine (mensuel intellectuel, littéraire et artistique)

Auditeur de la Session Annuelle 2

Plus que jamais il est nécessaire de débattre sereinement des grands sujets importants et je regrette que la sphère médiatique se contente aujourd’hui d’invectives

William, aujourd’hui tu as une double activité de Consultant et de Directeur de publication d’un magazine. Quel est ton parcours ?

Je suis né à l’île de la Réunion et j’y ai fait des études de droit. J’ai très vite commencé à travailler dans un journal local (Le Quotidien de la Réunion). C’était une première étape car depuis l’adolescence je voulais devenir journaliste. Avec d’autres confrères, j’ai quitté Le Quotidien au bout de trois ans, en 1987, pour participer à la création d’un hebdomadaire, « Le Magazine de l’Océan Indien ». Faute de lecteurs, l’aventure s’est arrêtée début 1988. De passage à Paris pour aller à New York, une amie m’a proposé de rencontrer le directeur de l’agence Reuter à Paris. Il m’a proposé d’être le journaliste accrédité à Matignon afin de suivre les activités du Premier ministre (Michel Rocard puis Edith Cresson). C’est un rêve de pouvoir travailler à Paris car c’est le siège des grands media et être chargé de « couvrir » la politique nationale à 23 ans était un sacré défi. Ensuite, j’ai été transféré au « desk », service qui traite les dépêches arrivant du monde entier, et je me suis intéressé à l’Afrique francophone. Puis, en 1995, la direction de Reuter m’a proposé de me former à l’économie et la finance pour suivre la vie des marchés financiers et des entreprises. En 2007, j’ai quitté le journalisme pour devenir consultant en finance et stratégie auprès de dirigeants d’entreprises. C’est aujourd’hui mon activité principale.

 

Ta grande aventure intellectuelle et entrepreneuriale du moment me semble être Bastille Magazine, dont je suis fasciné par la liberté de ton et la qualité des articles de fond qui ne sont plus si fréquents. Quelle est ton actualité à ce sujet ?

Lecteur de longue date du « New Yorker » et de « Harper’s Magazine », j’ai toujours voulu en créer l’équivalent en France. Dès les années 1990, j’en parlais déjà avec mon ami et collègue François Thomazeau. En 2014, j’ai réuni une équipe pour essayer de lancer Bastille Magazine mais nous n’avons pas trouvé les financements. En 2021, j’ai rencontré un investisseur qui a été séduit par le projet et qui m’a donné les moyens de le réaliser. L’objectif est de proposer aux lecteurs des grands récits journalistiques, des textes littéraires, des analyses originales et des illustrations grâce au collectif « The Parisianer », dans une édition de qualité.

Bastille Magazine a séduit immédiatement le monde littéraire puisque des écrivains tels que Jean-Christophe Rufin, Lydie Salvayre, Alexis Jenni, (tous lauréats du Goncourt) ont accepté de contribuer. Des dizaines d’autres écrivains reconnus contribuent depuis deux ans. On peut dire que Bastille Magazine est devenu une publication de référence. Nous avons pu nouer un partenariat avec le Collège de France, ce qui nous permet de publier chaque mois un entretien avec un professeur ou un chercheur. Nous avons pu également organiser à l’ENS un colloque sur la démocratie, en octobre 2023, avec une dizaine de philosophes et l’ancien Président de la République François Hollande. Notre objectif est d’alimenter le débat public. Plus que jamais il est nécessaire de débattre sereinement des grands sujets importants et je regrette que la sphère médiatique se contente aujourd’hui d’invectives. 

Nous comptons mobiliser les jeunes - en nouant notamment des relations avec les Universités et les Grandes Ecoles – en leur proposant un espace pour échanger et même exposer leurs désaccords dans un cadre civilisé. Nous allons donc développer des conférences à Paris et en province. Nous sommes conscients que Bastille Magazine, avec environ 15.000 lecteurs (pour le magazine imprimé et pour le numérique), est une publication de niche. Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Avec nos lecteurs, nous faisons le pari de l’intelligence, de la tempérance et de l’optimisme.

 

Tu as été membre de la promotion 2 de la Session Annuelle l’IHEE (2001-2002). Comment y es-tu entré et quel bilan fais-tu de cette expérience ?

Invité, en tant que journaliste, à la clôture de l’assemblée générale de l’Institut de l’Entreprise, je discute avec Michel Bon, qui en était le Président et que je connaissais en tant que PDG de France Télécom, devenu Orange.  Je prends connaissance de l’existence de l’IHEE et de sa 1ère promo. Je manifeste mon intérêt pour participer à ce programme qui me semblait passionnant. Michel Bon me présente à Jean-Pierre Boisivon, alors délégué générale de l’Institut de l’Entreprise. L’agence Reuter accepte de soutenir ma candidature, qui est retenue. 

Deux choses m’intéressaient : la possibilité de mieux comprendre les choix stratégiques des entreprises (à l’époque, la plupart des intervenants des sessions de l’IHEE étaient des PDG de grandes entreprises françaises), et il y avait aussi l’accélération de la mondialisation avec l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Je garde un souvenir extrêmement positif de cette expérience car j’ai pu mieux comprendre le fonctionnement des groupes multinationaux et j’ai pu discuter avec des représentants d’entreprises aux Etats-Unis et en Chine, deux pays que nous avons pu visiter longuement. Enfin, et ce n’est pas le moins important, j’ai pu nouer des relations amicales avec de nombreux membres de cette promotion et certains sont restés proches.

 

As-tu une anecdote particulière sur l’ambiance de cette promotion 2 ?

L’ambiance était excellente au sein de la promotion 2 et il y avait une réelle cohésion en dépit ou grâce à la diversité des profils des membres. Chaque voyage a son lot d’anecdotes. Si je dois en retenir deux. La première : à Chicago, après une soirée festive bien arrosée, comme nous ne trouvions pas de taxi pour rentrer à l’hôtel, nous avions opté pour une limousine gigantesque. Nous étions une dizaine dans cette voiture. On pouvait jouer à la star, le temps d’un trajet au cœur de cette ville magnifique. La seconde anecdote : en Chine, alors que le pays s’ouvrait un peu, on nous avait proposé de découvrir une discothèque. En arrivant, le choc : il y avait beaucoup de voitures de luxe. A l’intérieur, nous avions revu un intervenant chinois, qui, autour d’un verre et à l’abri des oreilles indésirables, nous avait raconté le fonctionnement de la société chinoise avec des expulsions et des menaces contre ceux qui n’acceptaient pas les règles qui favorisaient les nouveaux nantis, membres du PCC. Nous avions plus appris ce soir-là sur la nouvelle Chine que lors des séminaires, pourtant très riches.

 

Quel intérêt trouves-tu aujourd’hui à garder un lien avec IHEE Connect ?

L’IHEE compte des membres issus de divers milieux socio-culturels : des ingénieurs côtoient des universitaires, des journalistes, des fonctionnaires, des syndicalistes et des cadres d’entreprises. C’est extrêmement enrichissant de se confronter à des profils aussi divers. C’est ainsi qu’on enrichit sa réflexion.

 

 

 

Interview réalisée par Eric Fouache, Membre Honoraire Senior de l’IUF, Professeur de Géoarchéologie à l’UFR de Géographie et Aménagement de Sorbonne Université, UR Médiations « sciences des lieux sciences des liens ». Promo 2 de l’IHEE.